Aucun doute : le marché des stupéfiants est dans le « top ten » des marchés mondiaux, proche par exemple des produits pétroliers, et il est en expansion continue, qu’il s’agisse des produits phares, la coca, l’héroïne, de leurs dérivés, les opioïdes, ou de molécules nouvelles. Du très solide, et encore plein d’avenir.
Donc, a priori, des jobs lucratifs pour des milliers de jeunes, voire des dizaines de milliers.
D’autant que l’impuissance des Etats à supprimer ces trafics est flagrante, dans le monde entier. Ce qui ne manque pas d’interpeller le citoyen de base : collusions ? corruption ?
Collusion entre services de l’Etat et les groupes mafieux, c’est d’autant moins à exclure que le cas Noriega (Panama, dans les années 80) était de notoriété publique. Moins connus, mais avérés, les services que De Gaulle a demandés à la mafia dans sa lutte contre l’OAS (Algérie, 1960/61) ou des services rendus par les gros bras de la mafia locale à Deferre, alors maire de Marseille, pour mettre fin à la grève des dockers.
Et il y a bien sûr le cas les services rendus en 1943 par les mafias italiennes des USA à l’armée américaine pour préparer le débarquement en Italie, en Sicile spécifiquement. Je ne suis pas certain que cette collusion soit avérée, mais la rumeur a circulé avec tant d’insistance qu’on a du mal à ne pas y croire. Et que penser de l’Italie, où des juges déterminés ont été exécutés sans que les commanditaires de ces crimes ne soient inquiétés ?
Corruption ? Là aussi des cas avérés, à commencer par le Mexique, et on a du mal à douter de sa généralité. Quand on propose à un douanier ou à un flic une somme qui représente plusieurs années de salaire, comment résister ? A des niveaux hiérarchiques plus élevés, vous remplacez le mot salaire par celui de revenus, et vous obtenez les mêmes résultats.
J’ai bien entendu du mal à me convaincre d’une corruption généralisée, et n’ai aucun doute sur la probité de la majorité des agents concernés. Mais c’est au coup par coup que la corruption doit fonctionner : une grosse livraison sur laquelle on ferme les yeux (en fait on regarde ailleurs…), et le tour est joué.
Bref, le citoyen de base regarde, impuissant, les œuvres criminelles d’une hydre multiforme.
Mais revenons aux jeunes : pourquoi ne pas y faire carrière ? Certes, en bas de l’échelle, quand il ne s’agit que d’avertir de présences douteuses dans le quartier, voire de livraisons à domicile, on gagne bien sa vie (x fois le SMIG). Mais comment grimper dans la hiérarchie, gravir des échelons ? Là, quand il s’agit de défendre des territoires, de sauvegarder des frontières de livraison, c’est plus chaud. On est nécessairement armé, et les conflits ne se limitent pas aux empoignades. Et au-delà dans la hiérarchie, quand il faut faire serment d’allégeance à un caïd ? Certes, les revenus et avantages sociaux annexes (les filles par exemple, mais pas que…) doivent être conséquents. Mais de là à vivre dans l’insécurité permanente, à être sans cesse aux aguets…
Bref : une carrière peut-être, mais à très hauts risques. A tout prendre, boulanger, cordonnier, agent SNCF, voire archiprêtre ou agronome, ça gagne moins, mais on a plus de chances de mourir dans son lit plutôt que dans la rue d’une rafale de mitraillettes.