Le royaume des Cieux est un espace fumeur

Je m’étais penché il y a quelques temps sur cette préoccupante question. Voilà où j’en étais de mes réflexions. Le quatrième âge approchant à grands pas (les trois quarts de siècle sont pour très bientôt), je suis amené à réfléchir à des dispositions pratiques d’apparence triviale ; parmi elles : avec ou sans mes pipes et mon tabac dans mon linceul ? J’y répondrais plus aisément si j’étais assuré que le Royaume des Cieux soit un espace fumeur.

Imaginez : à l’heure de la résurrection, dans le délicieux cimetière d’Assas, village où j’ai vécu de nombreuses années, je serai accueilli par mes proches, Geneviève en tête, plus belle que jamais. Dans cette ambiance sereine, je peux sortir bouffarde et blague à tabac et retrouver avec délices l’avant-goût d’éternité que donnent les grosses volutes de fumée se dissipant dans l’azur.

J’ai du mal à imaginer qu’il n’en soit pas ainsi : des nuages fumeurs d’un côté, des non-fumeurs de l’autre, quel désordre ! Les anges gardiens ont mieux à faire qu’à verbaliser un fumeur invétéré qui aura été rejoindre sa belle dans un nuage « sans ».

Voilà donc pour ce qui me concerne personnellement. Mais à l’échelle de l’univers, une réponse positive à la question aurait une portée considérable. Combien de centaines de millions d’habitants de notre planète ne seraient-ils pas ravis de savoir que, tels les Iroquois avec leurs calumets, les Massaïs avec leurs sagaies, ils peuvent embarquer pour l’au-delà avec leur équipement de fumeur ?  Ne nous y trompons pas, ce chiffre ne peut être sous-estimé. Je l’estime à un milliard, un sixième de nos contemporains, sans compter les générations à venir : de quoi faire un très grand nombre d’heureux. Je vous fais grâce de mes calculs sophistiqués, en deux étapes : (i) combien de fumeurs ?  (ii) combien de fumeurs qui croient au Royaume des Cieux ?

Soyez rassurés, camarades fumeurs de fonds : on fume au royaume des cieux, à sa guise, sans gêne et sans honte ; au contraire même : c’est très bien vu. Et ceci grâce à deux dispositions relevant de la chimie du XIXème et de la génomique du XXIème siècle, rien que du banal dans un univers où le rajeunissement cellulaire et la télétransportation quantique sont des activités de routine. En fait, il s’agit donc de deux manips relativement simples : (i) transformer l’odeur selon les préférences des usagers : parfums de roses ; de patchoulis : une réaction chimique banale ; (ii) rendre bénéfique pour la santé le fait de fumer : les généticiens ont trouvé un gène codant la nicotine en précurseur de l’hémoglobine : fumer permet ainsi d’avoir un sang de meilleure qualité : que rêver de mieux ?

Bilan : la dose quotidienne d’endorphines assurée, un sang de meilleure qualité  les voisins enchantés par l’odeur* ; qui dit mieux ? Le royaume des cieux est aussi le paradis des fumeurs ! CQFD.

* : rappelons-nous : du temps où la publicité pour le tabac n’était pas interdite, on voyait deux femmes élégantes se retourner avec enchantement sur un fumeur de pipe !  Nous étions comme des princes. Je tairai le nom de la marque de cette pub : ces salopards ne m’ont fait aucun cadeau de fidélité en soixante ans d’achat de leur précieux mélange !

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