Que voilà une profession intrigante ! Pour le commun des mortels, un avocat plaide dans une cour d’assise, le verbe et le geste superbes, recherchant la moindre faille dans le réquisitoire du procureur.
Le citoyen naïf que je suis a découvert sur le tard l’existence de la spécialité « fiscaliste » dans cette profession. Pourquoi pas ? Il y a bien de mécaniciens spécialistes des moteurs, d’autres de la carrosserie, des médecins spécialistes des mirettes, des pieds, de la tuyauterie.
Mais alors, c’est quoi leur spécialité ? Réponse : l’optimisation fiscale. Soit, dans mon langage trivial, sécuriser nos portemonnaies contre les intrusions abusives des contrôleurs du fisc. Quoi de plus naturel, après tout. Le boulanger, le buraliste, l’épicier d’à côté de chez soi apprécient d’être payés avec des biftons plutôt qu’avec une carte de crédit. Le plombier ou l’électricien qui viennent nous dépanner ne craint pas d’être payé au black, ne fût-ce que partiellement. La vraie vie économique, quoi, dont tout le monde s’accommode, au bénéfice des petits métiers.
Donc l’optimisation fiscale, c’est pour les entreprises, pas pour les artisans. OK, encore faut-il avoir les moyens de se les payer, car ils sont chers : on débute à 3500 € nets par mois dans la profession, de quoi faire rêver les humbles agronomes que nous sommes.
Et puis ils sont nombreux : 7000 à peu de chose près en France, 70 en moyenne par département (mais j’imagine difficilement qu’il y en ait autant en Ariège ou en Lozère). Donc 7000 qui gagnent 50.000 € par an au moins, c’est un chiffre d’affaires pour la profession qui doit avoisiner le milliard d’Euros (350 millions nets, 700 avec les charges, 300 de frais professionnels…).
Donc la profession gagne au moins un milliard d’Euros par an. Qui la paye, et pour quels bénéfices ?
Si on remplace le mot optimisation par évasion (fiscale), on trouve certes de quoi la payer. Cette discrète évasion est en effet estimée à 80 milliards d’Euros par an. Certaines entreprises dépensent 1 milliard pour en gagner 80 : qui dit mieux ? Une rentabilité exceptionnelle ! La profession d’avocat fiscaliste serait justifiée à défiler dans la rue pour avoir une meilleure part du gâteau. Sans doute gagne t’elle un peu mieux sa vie, n’est-elle pas rémunérée que sur la base du temps de travail.
Conclusion :
– si on veut faire du fric, quitte à faire six ans d’études après le bac, autant choisir cette filière plutôt que la santé, l’agriculture ou l’enseignement.
– mais il faut aimer travailler sur dossiers, entre quatre murs, loin des malades, des paysans, des élèves. Prisonnier à vie entre quatre murs, c’est quand même une lourde peine. Je me la suis évitée en optant pour l’agronomie tropicale.