Aminata et Tonton Léopold

Aminata s’assoupit : voilà des heures qu’elle vend les beignets de sa maman dans les rues de Joal, il se fait tard.

C’est une adolescente : chez les filles, il y a des détails qui ne trompent pas. Peu à peu, elle s’endort, elle rêve…

Apparaît un homme âgé, vêtu d’un uniforme vert bizarre, une épée au côté. Avant qu’elle ait le temps d’être effrayée, il lui sourit, et lui dit :

Bonjour Aminata !

Comment que vous savez mon nom ? 

A Joal, tout le monde t’a croisée, tout le monde connaît ton nom.

Ah bon, et vous, comment c’est ton nom ?

Léopold Sédar, mais appelle-moi Léopold, c’est plus simple.

Tu peux même m’appeler Tonton Léopold : je suis né à Joal moi aussi. Ce serait bien rare qu’une de tes grand-tantes ne soit pas une de mes petites nièces.  

C’est quoi ces habits même ? Et cette épée ? Tu vas me faire du mal ? Je vais crier pour appeler maman !

Mais non, petite sotte, c’est un habit d’apparat.

Ca sert à quoi d’abord ? A attraper les rats ?

Léopold éclate de rire. 

Mais dis-moi, Aminata, n’as-tu pas été à l’école ?

Bof, un peu, un peu ! deux ans je crois

Tu sais quand même lire et écrire ?

Bof, un peu, un peu.

Alors, on fait un test : tu écris, et il lui tend un calepin et un stylo.

Tu connais la chanson : « Maman est en haut, qui fait du gâteau, Papa est en bas qui fait du chocolat » ?

Bof, un peu un peu. Elle prend le stylo, et voilà le résultat :

« Man et en o, y fait du gato, Pa et en ba, y fait du choco »

Léopold est atterré : à quoi sert l’Education nationale qu’il a tant soutenue ?

Au fond, Aminata, tu n’es qu’un déchet scolaire.

C’est quoi ça d’abord ? Vous en êtes un autre ! A quoi qu’elle vous sert, votre épée, à attraper les rats ?

Aminata, l’école de la République, c’est l’avenir des enfants, l’avenir de la Nation.

Ah bon, Tonton Léopold, moi, mon école, c’est celle de la rue. 

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