Un train en panne en pleine voie, les passagers attendant plusieurs heures une locomotive de dépannage, j’ai connu ça en deux circonstances : à Madagascar, entre Fianarantsoa et Manakara, ainsi qu’au Congo Brazzaville, ce fameux Congo-Océan dont la construction avait été dénoncée par André Gide (vous vous rappelez ; un travailleur mort par travée !) Bref, les aléas de mon métier. Dans les deux cas, le paysage compensait largement les incertitudes de l’attente, en particulier à Madagascar, dans la section qui descend vers l’Océan ; comme la ligne Curitiba-Paranagua qui dévale la « mata tropical » ou encore, moins loin de nous, la section de la ligne du Cévenol entre Génolhac et Langogne : que du bonheur, des viaducs à chaque détour, surplombant de profondes vallées…
Excusez svp, mon fanatisme ferroviaire a tendance à me faire dérailler.
Bref, ce même fanatisme pro-SNCF excluait que cette dernière ne conduise pas ses voyageurs à bon port.
Mais Il existe une version française (vf) du naufrage de voyageurs. Témoignage : jeudi dernier, j’embarque sereinement à Grenoble dans le TER pour Valence, dont le parcours a récemment été électrifié. Comme prévu par Météo France il se met rapidement à neiger en abondance. Aux deux tiers du parcours, alors qu’on s’approche de Valence TGV, le TER s’arrête, et ne se décide pas à repartir. Le contrôleur (coup de pot, il y en avait un) finit par reconnaître qu’il n’y a plus de jus, et d’ailleurs on n’est plus éclairé que sur batterie. Sans doute convaincue par la neige, qui persiste à tomber en abondance, la nuit tombe aussi. Le temps passe, le contrôleur nous informe que le TER de dépannage (à moteur gas-oil), occupé ailleurs, n’arrivera pas de sitôt.
Mais la SNCF a plus d’un tour dans son sac : elle dépêche une équipe de cheminots qui nous aide à sauter sur le ballast, avec armes et bagages, puis cheminer jusqu’à une route proche qui nous permet de rejoindre à pied la gare de Romans- Bourg de péage, heureusement pas trop éloignée (trois kilomètres quand même), où nous attendent des autocars de secours. L’un d’entre eux nous conduit à Valence TGV, où les trains roulent ; la chance aidant, je saute dans l’un d’entre eux, qui vient d’arriver. Quarante minutes plus tard, je suis en gare de Nîmes où Karim m’attend avec sa bagnole.
Bref, tout va bien qui finit bien, mais le spectacle des passagers (une petite centaine) traînant leurs bagages dans et sous la neige était assez insolite : naufragés de la SNCF, vous dis-je ! Mais avec bonne humeur : qui a dit que mes compatriotes sont râleurs ?
Moralité : mon admiration aveugle pour la SNCF en a pris un coup. Depuis des décennies, des trains circulent sur des voies électrifiées y compris quand il neige. Pourquoi pas ce jour-là, sur un parcours récemment équipé ? Quelque part, quelqu’un n’a pas fait son boulot…
N’empêche : samedi prochain, on me verra dans le TER entre Lyon et Firminy (Loire) : fanatique un jour, fanatique toujours !