Tao Noufou

Tao Noufou n’est plus de ce monde : ses proches viennent de m’en informer. En fait je devrais dire El Hadj Tao Noufou, car il avait fait le pèlerinage de La Mecque, ce qui, pour un paysan burkinabé, manifestait une grande piété et un sacrifice financier majeur. La valeur d’au moins une bonne dizaine de zébus, un patrimoine important pour des paysans de là-bas.

Noufou à Sabouna, vers 1980.

Tao Noufou, c’est une montagne de souvenirs : entre 1977 et 1981, j’ai dormi « chez lui » à raison d’une semaine sur six environ. « Chez lui », en fait, c’était à l’ombre de l’adorable mini-mosquée de son village, sur le lit de camp qui faisait partie de mes bagages.

Lui et moi à Sabouna, vers 1980

Comme il avait été à l’école primaire, il parlait bien le français, alors que je ne parlais pas un mot de sa langue, le mooré. On a donc pu échanger, et il a adhéré à mon intention de mieux comprendre ce qu’est le métier de paysan burkinabé. On a donc choisi un échantillon d’une demi-douzaine de paysans, dont lui, on a fait le tour de leurs parcelles, pris connaissance de leur cheptel (zébus, moutons, chèvres, ânes…), essayé de comprendre en quoi ils pouvaient subvenir à leurs besoins et disposer d’une sorte de caisse d’épargne pour faire face aux aléas de la vie : décès, mariages, fêtes religieuses. Alfred Ouedraogo me servait d’interprète. Entre temps, il a fait un bon bout de chemin car il a fait carrière à l’INERA. 

Donc on y voyait plus clair sur la réalité du métier de paysan dans ces savanes semi-arides, où il ne pleut que quatre mois par an, et où il fait très-très chaud pendant la moitié des mois secs. Ultérieurement, l’invention de la « kassine » a permis de proposer une alternative technique importante, qui a été testée puis mise en pratique dans pas mal de villages, avec le soutien du gouvernement. Burkinabé et l’appui de nombreuses ONG françaises et burkinabés.

Le travail du sol à la kassine, en sec, avant les pluies

Sabouna, ton village, a été retenu comme « pilote » pour l’emploi de la kassine : il occupe ainsi une place importante dans un dispositif national.

Ami Noufou, repose en paix, la conscience tranquille : toi et les tiens ont fait du bon boulot ! Il y a peu, nous avons planté chez toi, au village, un tout jeune baobab qui se porte bien. En 2130 et plus, à son ombre, les promeneurs auront peut-être envie d’imaginer ce qu’était la vie au village un siècle avant ?

Noufou à Sabouna, vers 2015.

Et quand j’irai te rejoindre, je t’emmènerai au Chili, au Brésil, au Nicaragua, au Sénégal, au Cameroun, à la découverte d’autres paysans qui rêvent d’un monde meilleur, où l’exercice de leur métier est moins pénible, mieux reconnu et mieux rémunéré.

A bientôt donc… 

Le baobab en 2018.

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